Pinuccia ne conçoit pas la vie sans couleur. Elle aime le beau et le beau n’est pas incolore.
Aujourd’hui elle porte une robe chamarrée où se mêlent des bleus et roses vifs, couleurs qu’un séminaire lui a révélées comme faisant partie de « sa palette », se basant sur son teint — plus précisément la couleur de ses veines—, ses yeux et ses cheveux. Dans cette formation elle a apprécié le raisonnement qui permet d’identifier les tons qui vont à l’une ou à l’autre, là où la plupart fonctionne uniquement à l’intuition. Par contre, elle n’a pas aimé le dogmatisme sous-jacent, comme s’il fallait du jour au lendemain jeter tous les vêtements qui ne sont pas dans « ses couleurs » (*). Si telle robe rouge ou orange ne la met pas en valeur parce qu’on ne voit que la robe, pourquoi pas! Pinuccia n’a pas le culte de sa personne et à vrai dire, si c’est la robe qu’on verra d’abord, impossible de ne pas ensuite être capté par son sourire et sa personnalité.
(*) En clin d’oeil, elle a choisi de porter cette robe noire à pois blancs pour « son » portrait; clin d’oeil pour clin d’oeil, j’en ai fait une photo monochrome: un peu de noir et blanc dans ce monde de couleurs, pardi!
Pinuccia est originaire de Sicile, pays marqué naturellement par des couleurs très présentes: la mer d’un bleu profond, les terres de l’Etna marron en été, blanches de neige en hiver et puis les fruits gorgés de soleil, citrons, oranges, tomates,… tous éclatants de goût et de couleurs.
En Belgique la dominante est achromatique; la plupart des cuisines sont blanches (blanc hôpital dira Pinuccia!), grises ou beiges, parfois même noires, en un mot, ternes. Chez elle, au contraire, une harmonie audacieuse de bleu et saumon stimule les talents des chefs-coqs et les papilles des gourmands. Tout d’abord séduits par ces meubles de cuisine courbes qui répondaient à l’architecture de la maison et par leur couleur bleu vif, elle et son mari ont cherché une teinte qui les mettraient en valeur, tout en donnant une touche de chaleur à la pièce. Pas étonnant que leur sens de coloristes les ai guidés vers la teinte complémentaire, dans une version un rien plus claire et lumineuse.
Ils ont suivi une approche similaire pour le salon. Quelles couleurs pour équilibrer le ton chêne des portes dominant dans cet espace? Ils ont opté ici pour différentes nuances de jaune et d’orange, là pour un orange plus soutenu, encore renforcé par des canapés turquoise, mais calmé par des étagères blanches, d’un design léger, épuré et gracieux. Les murs offrent une belle surface pour des tableaux d’artistes contemporains indéniablement coloristes, si pas fauves.
Est-ce le goût du compromis ou le besoin de ne pas choquer, de ne pas se faire remarquer, qui pousse le belge dans cette neutralité qu’il porte sur lui, dans sa maison, et transporte via sa voiture? Quelle galère pour commander une voiture qui ne soit pas blanche, grise, noire ou bleu foncé!
En Italie, la beauté est une valeur positive. En permanence plongés dans la beauté que leur ont léguée des siècles d’histoire, en contact quotidien avec les oeuvres d’artistes peintres, sculpteurs, architectes, photographes, entourés de paysages grandioses, les Italiens ont conscience de ce privilège, en tirent une fierté, et ont adopté la beauté comme une valeur essentielle dans leur vie. Là, on n’hésitera pas à louer la beauté d’un enfant, qualité qui lui donnera certainement plus de chance de réussite dans la vie. En Belgique aussi, d’ailleurs, mais on ne le dira pas, le « politiquement correct » l’interdit.
Sans doute la culture italienne a forgé le goût de Pinuccia: elle ne peut concevoir une oeuvre d’art qui ne soit pas belle, elle a un rejet physique pour ce qui est malsain, tordu, pour tout art qui ne tente pas de construire le beau et le bon. Elle a besoin d’espoir dans l’art comme dans son travail, à l’Europe, où elle est chef d’unité dans une section qui se consacre à la sécurité des produits de consommations (hors alimentation). Si elle loue la culture italienne, il n’en reste pas moins qu’elle adore son environnement de travail, et ne se sentirait certainement pas aussi heureuse en Italie. En relation avec des ressortissants de vingt huit pays différents, elle mesure le bénéfice en terme de créativité, de variété, d’enrichissement mutuel, et se sent privilégiée de contribuer ainsi au bien commun.