Que vous le vouliez ou non, la couleur de votre tenue vestimentaire parle de vous.
Claire est coach en image. Aussi la couleur fait-elle partie de sa boite-à-outils. Grâce à sa collection de tissus colorés, elle trouve en vous observant devant le miroir non seulement les couleurs qui vous vont, mais celles qui vous « racontent ». Elle nous parle de sa méthode dans cet article.
Comme Rimbaud et Messiaen, Claire est synesthète, elle « voit » des couleurs lorsqu’elle entend des mots ou d’autres sons, que ce soit du langage verbal, des chiffres, ou de la musique, ou lorsqu’elle pense au déroulement du temps. Des couleurs se superposent alors à une réalité sonore ou à un calendrier mental. Mais comme pour la plupart des synesthètes, ces associations lui sont propres.
C’est dire si la couleur a une place privilégiée dans sa vie! Claire dispose également d’une très grande acuité envers les couleurs. De plus elle ressent depuis toujours un plaisir immense à goûter les couleurs – elle se qualifie d’ailleurs comme une « dévoreuse de couleurs ».
Une amie commune, percevant une même gourmandise pour la couleur, nous a mises en relation et Claire a dès lors répondu à l’appel sur l’enseignement de la couleur.
Je lui laisse donc le clavier pour qu’elle nous dévoile sa méthode.
Coach
Je suis coach en image et en épanouissement personnel. J’accompagne les personnes qui ont envie de se connaître pleinement, de s’exprimer librement et de se sentir en cohérence avec elles-mêmes. J’ai recours de façon privilégiée à l’habillement, outil dont un des paramètres essentiels est la couleur.
La couleur dans l’habillement
On peut dire que j’enseigne la couleur dans la mesure où l’accompagnement que je propose permet de se libérer d’idées reçues, trop répandues et, surtout, limitantes.
Je constate que dans ma culture (occidentale mais française en particulier), les gens osent très rarement utiliser les couleurs – toutes celles qui les mettent en valeur – lorsqu’il s’agit d’habillement.
Or, l’habillement, loin d’être superficiel, est notre deuxième peau et doit être le prolongement de notre personne. Si l’on souhaite de se présenter aux autres de façon authentique, sincère, fluide, si l’on ressent le besoin d’être cohérent avec soi-même, il est indispensable de choisir, pour son habillement, des pièces qui, non seulement mettent en valeur sur le plan esthétique, mais surtout racontent la même histoire que soi.
Dans cette optique, la couleur est très parlante, très expressive d’une personne : au-delà même du goût que celle-ci a pour telles ou telles teintes, le test des couleurs pratiqué lors d’un coaching en image permet de mettre en lumière les différentes facettes de la personne, et, de surcroît, faire même émerger des aspects qui ne sont pas toujours reconnus ou assumés par elle-même.
Développer son acuité
Pour commencer, la pratique de la couleur dans le coaching en image par l’habillement permet de développer son acuité. Dans ce domaine, encore plus que dans d’autres, dire « le vert ne me va pas » n’a pas réellement de sens. En effet, de quoi parle-t-on ? à quelle réalité « vert » correspond-il ?
On est nécessairement dans la nuance et on travaille tout de suite à distinguer les différentes variations d’une même teinte. Et ce, dans l’objectif de percevoir ce qui correspond le mieux à la personne, dans toute sa complexité.
Détacher une couleur de sa connotation
Parmi les autres objectifs visés, j’en vois un véritablement majeur, compte tenu de la démarche de coaching : c’est d’évoluer dans son attitude envers les couleurs appliquées à l’habillement.
J’en ai moi-même fait l’expérience bouleversante lorsque je me suis fait faire mon profil vestimentaire selon une approche non académique (que j’ai d’ailleurs intégrée dans ma pratique en devenant coach en image), lors d’un stage de développement personnel : j’avais grandi avec l’idée – très heureuse – qu’utiliser les couleurs de façon recherchée pour son habillement était primordial.
Mais on m’avait cantonnée à un nombre assez limité de teintes (parce que blonde, parce que fille, parce qu’appartenant à un certain milieu…). Il était, par exemple, hors de question de porter du vermillon : « trop voyant » – alors que le bordeaux est bien plus « élégant ». Autrement dit, on parlait des couleurs en elles-mêmes (et avec des interprétations très orientées), plaquées sur moi, et non des couleurs pour moi.
Grâce à l’expérience vécue lors de ce stage, j’ai compris que le vermillon (et bien d’autres couleurs) m’appartenaient et que j’avais tout intérêt à l’utiliser pour moi. Si bien que j’ai même dépassé mon manque de goût pour cette couleur : j’ai compris que ce type de considération est mineure lorsqu’on se place d’un autre point vue que la seule esthétique – la dimension de l’existentiel.
S’approprier ses couleurs
Et c’est cette expérience que je cherche à faire vivre aux personnes que j’accompagne.
Même si je tiens bien sûr compte également, de ce à quoi telle ou telle couleur fait écho chez elles. Car nous avons toutes et tous des références très personnelles (encore plus que celles que nous partageons avec les autres membres de notre communauté culturelle) attachées aux couleurs : l’une nous rappelle le vêtement que portait en permanence telle institutrice si sévère, l’une évoque le temps des vacances au bord de la mer, l’une est celle réservée au mari militaire…
Il n’est pas aisé de dépasser ces réactions mais il est vraiment intéressant d’en profiter pour se livrer à une introspection qui peut déboucher sur une (ré)appropriation de ce qui nous appartient. Et lorsqu’on a découvert, si ce n’est l’intégralité mais, au moins une partie considérable de ses couleurs, on peut s’entraîner à maîtriser leur application dans son habillement, alors de façon totalement personnelle, en éprouvant beaucoup de plaisir, en s’amusant, en virtuose de la couleur.
Plus qu’une couleur, une palette
Enfin, on peut avoir besoin de se donner à voir au-delà de son habillement, en particulier à travers une charte graphique. Je crois que, même s’il faut bien sûr tenir compte des différentes composantes d’une activité professionnelle (ce que l’on fait, dans quel contexte et avec qui d’autre on le fait, en tenant compte de certaines tendances, etc…), composer avec sa palette personnelle est le moyen le plus efficace de se démarquer.
Je prends ici l’exemple que je connais le mieux : la carte de visite qui fait partie de la charte graphique de Perle Claire, mon agence de coaching en image. La mosaïque que l’on voit est constituée d’une (petite) partie des couleurs de mon profil vestimentaire personnel. Je les ai sélectionnées parce qu’elles m’appartiennent, tout en tenant compte de la connotation que j’ai voulu donner à mon activité.
Comment trouver « ses couleurs »?
L’apprentissage des couleurs que je propose en tant que coach en image se réalise principalement par ce qu’on appelle le test des couleurs, qui a lieu en tout début de parcours d’accompagnement, et que je vais décrire ensuite.
Cet apprentissage passe aussi par une application pratique par la suite, à l’occasion du tri de garde-robe que j’effectue avec la personne chez elle, et lors des essayages de vêtements et d’accessoires en boutiques.
Globalement, tout cela est très concret. Je n’ai pas recours à la théorie, ou rarement, et dans ce cas avec des personnes déjà averties sur les aspects techniques de la couleur ou qui souhaitent réellement acquérir des connaissances sur ce plan. J’ai aussi choisi ce parti-pris par esprit de liberté : étant moi-même peu académique, je propose une approche intuitive et fondée sur le ressenti.
Le test des couleurs
Pour en revenir au test des couleurs, celui-ci se déroule de la façon suivante :
La personne que j’accompagne est assise devant un miroir, et moi derrière elle, de façon à ce que, toutes les deux, nous puissions apprécier ce qui va se produire, à savoir, l’effet des couleurs que je fais passer successivement sous son visage, couleurs matérialisées par des morceaux de tissu de coton colorés.
Les effets produits sont d’autant plus évidents par la comparaison, de deux à six couleurs successives. La séance dure environ une heure et demi, temps nécessaire pour faire passer environ 70 couleurs différentes. Il s’agit aussi, dans bien des cas, de donner l’occasion à la personne concernée de se familiariser à nouveau avec son image, voire même se (ré)apprivoiser elle-même. Car certaines ne se sont pas regardées dans un miroir depuis des décennies !
Les couleurs en adéquation avec la personne
Enfin, le temps de cette séance permet non seulement à moi (avec mon regard exercé de professionnelle) mais surtout à la personne que j’accompagne de discerner correctement les effets produits et de sélectionner les couleurs réellement en adéquation avec elle.
Et il ne s’agit pas, encore une fois, de voir uniquement ce qui se passe sur le plan littéral, « esthétique », au premier degré (est-ce que la couleur du tissu se retrouve dans le physique de la personne et est-ce qu’elle lui donne « bonne mine ») mais, plus profondément, est-ce que telle couleur appartient à la personne, « est » cette personne – ce que j’appelle « raconter la même histoire ».
Création d’un nuancier personnel
À la suite de cette séance, à partir des couleurs que nous avons sélectionnées, je fabrique le nuancier personnel de la personne. Celui-ci est unique : contrairement à ce qui se pratique habituellement en conseil en image, je ne fais pas « rentrer » la personne que j’accompagne dans une catégorie de couleurs prédéterminée.
On entend en effet beaucoup parler de la classification en « saisons » ou autres qui, toutes, sont fondées sur l’analyse tridimentionnelle de la couleur. Je ne conteste absolument pas que l’on prenne en compte les trois paramètres de la couleur. Le problème des approches habituelles est, à mon sens, qu’elles forcent la nature à entrer dans un carcan.
Or, cela ne fonctionne pas, tout simplement : si l’esprit humain a besoin de repères – et donc de classifications (j’ai exercé en tant que bibliothécaire avant de devenir coach en image, donc je suis bien familière des classifications, des objets en tout cas !) – le vivant est bien trop complexe pour se contenter de cela. J’estime que les personnes que j’accompagne investissent et s’engagent suffisamment dans le coaching que je leur propose pour ne pas recevoir une solution stéréotypée mais une approche et un résultat le plus fins possible. D’où un nuancier sur-mesure, forcément unique.
Propositions d’associations
Par ailleurs, comme un des soucis majeurs des personnes que j’accompagne est comment associer les couleurs entre elles, je réalise et transmets des photographies des tissus des différentes couleurs sélectionnées en combinaisons les unes avec les autres. Pour une même personne, je trouve en moyenne une centaine de combinaisons, ce qui n’est pas exhaustif mais donne une palette déjà suffisamment consistante pour avoir des exemples sur lesquels prendre modèle.
Ici, on peut voir que chaque morceau de tissu coloré utilisé pour le test des couleurs comporte une étiquette où figure son nom. Précisons que cette dénomination est celle du fournisseur de matériel de colorimétrie ; elle rejoint d’ailleurs en majorité celle qui fait habituellement consensus dans le langage courant (voir par exemple ici).
Nommer les couleurs
Et c’est aussi une préoccupation récurrente chez les personnes qui viennent chercher leurs couleurs : le besoin de nommer, conjointement avec l’effort de mémorisation visuelle. Probablement pour pouvoir communiquer au sujet des couleurs (par exemple au cours d’une conversation, sans support visuel pour montrer la couleur dans sa réalité) ou pour trouver des références sur lesquelles s’appuyer dans le monde et ainsi mieux mémoriser.
J’avoue me trouver de plus en plus gênée par le fait de « devoir » nommer les couleurs en référence avec des objets de la nature, même si je sais que cela est totalement justifié (le premier nuancier de l’histoire – Nature’s Palette : A Color Reference System from the Natural World a été élaboré avec des références uniquement aminales, végétales et minérales).
Ma gêne vient du fait qu’il se trouve parfois une grande subjectivité, ainsi que des « déviations », dans ces références lorsqu’elles sont assimilées par tout un chacun – et on finit par ne plus savoir de quoi on parle. Ici, par exemple, « bleu canard » est déjà une (légère) déviance : les colverts (mâles) sont surtout remarqués pour le vert de leur cou et non pas pour le bleu-vert de leurs ailes ; il s’est visiblement opéré une sorte de « glissement ». Autre exemple figurant ici : « vert doré » n’est pas une appellation courante et témoigne plus d’une interprétation de cette couleur (que j’appellerais moi-même « vert olive foncé ») par le fournisseur que de la référence à une réalité trouvée dans la nature. En bref, question dénomination des couleurs, si cela était possible, je m’en tiendrais à un système de références alpha-numériques, très « neutre » – après, savoir lequel ? !
La transformation du regard
Je constate toujours un phénomène marquant, suite à la séance de test des couleurs : le regard de la personne accompagnée commence à évoluer immédiatement. C’est que cette séance – assez longue, encore une fois – est un moment privilégié de mise en place de nouveaux repères et d’entraînement du regard. Entraînement qui ne va cesser de se déployer, avec tout ce que l’œil de la personne va rencontrer : non seulement elle-même dans le miroir mais tout ce qu’elle peut voir et observer, à longueur de journées. Surtout, ce processus produit le très heureux effet de modifier le rapport que la personne entretient avec elle-même. Sa nouvelle façon de regarder les couleurs la nourrit.
Très peu de temps après, je lui remets son nuancier personnel et les photographies de ses combinaisons colorées. De surcroît, avec les photographies que je prends d’elle au début de son parcours, le contraste entre le panel de couleurs – souvent extrêmement réduit – qu’elle utilisait avant le début de son coaching et son nuancier personnel la fait réagir. Si bien, que, de façon spontanée et autonome, avant même que je n’intervienne pour le tri de sa garde-robe, la personne va d’elle-même commencer à discriminer ce qui est bon pour elle et ce qui ne l’est pas.
Mes références
Je reconnais avoir peu de références académiques dans le domaine de la couleur. Mon propre apprentissage a surtout été largement favorisé par ma culture familiale : ma mère – imprégnée de culture britannique (elle a enseigné l’anglais pendant plusieurs décénnies) a toujours prôné l’utilisation des couleurs autres que le noir, le marine, le gris ou le blanc, pour son habillement comme pour le mien. Ses sœurs tenaient des discours dans la même veine – j’entends encore une de mes tantes dire, pour son propre cas : « Jamais de noir, jamais ! » – et les mettaient soigneusement en application. Et ces exemples, à mon sens, sont tellement plus marquants que le meilleur des ouvrages, en tout cas dans mon domaine d’application…
Par ailleurs, je m’émerveille devant « la nature », tout ce qui est vivant, et cela me donne des exemples à suivre en quantité infinie.
Un livre et une série
Mais j’ai tout de même envie de faire référence à L’Harmonie des couleurs – édition Pantone de Leatrice Eiseman, aux éditions Pyramid. Outre des propos théoriques (et canoniques) sur les significations et utilisations des couleurs dans la création graphique et visuelle, cet ouvrage propose une série de trente ambiances, sous forme de 36 cercles représentant des combinaisons colorées avec les références Pantone des différentes teintes.
J’aimerais également rendre hommage à des personnes qui ont talent magnifique, dans le domaine de la télévision : je suis une grande fan de la série Scènes de ménage (diffusée sur M6), non seulement pour ce qui s’y joue (qui n’est pas notre sujet ici mais sur lequel il y aurait tant à dire !) mais aussi pour la conception et la réalisation des décors et des costumes. La maîtrise de l’application des couleurs à l’habillement par la/les costumières est manifeste : une connaissance parfaite des « règles » – et, bien mieux : parfois, un détournement délibéré de celles-ci. À l’image des personnages de la série : à la fois très conformes à leurs stéréotypes, mais aussi plus vrais que nature, et donc aussi, paradoxalement, parfaitement convaincants ; donc plus humains que fictionnels.