Hélène Mauri est photographe. Couleur ou noir et blanc? Cela dépend, elle ne rationalise pas; couleur, technique, même combat: tellement bien maîtrisées, intégrées, digérées, qu’elles passent toutes les deux au second plan, au service de la création, invisibles au conscient de la photographe guidée par sa mission.
Une collection de cartes postales
A gauche, une photo réalisée par Hélène avec une amie, à son adolescente, photo primée et exposée à la FNAC.
Quand, adolescente, elle commence à réaliser des photographies, son idée est de compléter sa collection d’images noir et blanc, initiée à ses 11-12 ans et jusque là constituée surtout de cartes postales de grands photographes (Doisneau, Ronis, Cartier-Bresson,…). Sa conception de la photo est alors essentiellement noir et blanc et le restera jusqu’à ce qu’un basculement survienne. Est-ce l’influence de photographes comme Ernst Haas ou Saul Leiter, ou plus tard, suite à un échange avec Stéphane Asseline?
Toujours est-il qu’aujourd’hui, la couleur lui semble une évidence pour la photographie de paysage qu’elle affectionne particulièrement.
Infirmière, une vocation
Hélène Mauri est infirmière. Infirmière, ce n’est pas un métier, c’est une façon d’être. A l’écoute, totalement désintéressée, dans le don de soi pour le soin de l’autre. Adolescente elle avait décidé que ce serait sa voie. Elle avait de ce métier une idée si noble qu’à peine sortie du bac, plongée très vite dans la réalité hospitalière exigée par la formation, anticipant un burn out à l’horizon de ses 35 ans, elle décide de se former à un autre métier par peur d’anéantir cet idéal. Elle achèvera néanmoins les études de son premier choix, elle sera même embauchée comme infirmière avant de les avoir terminées, et s’investira ensuite sans une formation de photographe à Louis Lumière, une prestigieuse école de photographie recrutant ses élèves sur concours.
Pourtant, certains amis, des professeurs et des élèves rencontrés lors de journées portes ouvertes, et même celui qui l’avait initiée à la photographie argentique (lui-même ancien élève de cette école), estimaient que ces études seraient trop orientées vers la technique, et dès lors probablement trop rigoureuses et exigeantes pour elle, perçue essentiellement comme une artiste. C’était mal connaître Hélène. Même l’échec cuisant de sa première participation au concours ne l’a pas découragée! Au contraire, l’année suivante, elle redoubla d’ardeur à la tâche, se plongeant dans les livres de photographie, passant tous ses w.e. à visiter des expositions, se formant sur toutes les questions abordées lors des concours précédents, tout en assumant son métier d’infirmière en semaine. Elle réussit brillamment à cette deuxième tentative.
Pour se former le regard: des livres et des oeuvres de grands artistes
La formation de photographe
Ses études seront une succession de défis, de batailles à gagner. Plus mûre que les autres élèves, Hélène sait ce qu’elle veut, et se bat pour réaliser les travaux qu’elle a en tête. Nait alors le projet « point de fuite » en collaboration avec Pierre Vedovato, un étudiant de la section « son » de l’école un projet contemplatif qui nous emmène aux quatre coins du monde, un rendez-vous avec nous-mêmes et avec la beauté des paysages. Difficile de faire accepter un tel travail à l’école Louis Lumière où parfois le « joli » ne suffit pas et où souvent « la nature du propos » doit être plus explicite.
Fascinée par « la mission photographique de la DATAR », un travail de commande gouvernementale passée avec une douzaine de photographes pour représenter les paysages français des années 80, Hélène décide d’aborder la notion de commande photographique dans son mémoire de fin d’étude, s’intéressant autant à la méthode qu’au rôle du commanditaire.
S’il n’y avait qu’une image
C’est là que germe l’idée du projet « s’il n’y avait qu’une image » qui relie les deux métiers d’Hélène. Frappée par le côté froid et dépersonnalisé des chambres d’hôpital, par l’aspect fermé du lieu, Hélène souhaite y apporter un peu de chaleur, une fenêtre sur le monde, par le biais d’une photo. Le patient sera le commanditaire, elle sera le photographe. Elle se placerait comme médiateur entre la chambre d’hôpital et le monde auquel le patient n’aurait plus accès, et lui rapporterait « la photographie », celle qui lui manque, qui lui fera du bien, une photographie qui parlera peut-être plus de lui qu’un portrait…
Même quand on est valide, une belle vue réjouit
Ce projet voit le jour en 2013. Certains patients ont une demande explicite par rapport à la couleur. Pour Gisèle atteinte d’un cancer, le rouge représente la vie, le sang. Quand on s’habille de rouge, on apporte de la gaité. Elle demande à Hélène un vaste champ de coquelicots, sa représentation de la vie. Isabelle quant à elle considère que le vert est apaisant, elle commande une photographie où elle peut s’imaginer couchée sur l’herbe, contemplant à la fois le ciel et les arbres.
La couleur dans la photographie
Hélène associe la couleur à la lumière, révélatrice de multitude de nuances. La lumière changeante sur les paysages écossais, ces nuages projetant des ombres mouvantes créant ainsi une variété infinie de verts, a été pour elle une grande découverte.
Les cartes et les guides: outils indispensables au voyage
Pour Hélène, dans son métier de photographe, l’important est d’être au plus proche de la réalité, la couleur n’échappe pas à cette règle. Si les conditions ne le permettent pas, elle choisira le noir et blanc. Pas de trucage, pas de post-traitement qui ne soit au service de cette exigence: rendre compte de cette réalité telle qu’elle l’a perçue sur le lieu de prise de vue.
Le futur?
Hélène partage son temps entre son métier d’infirmière en interim et ses projets photographiques. Elle aimerait élargir ses commandes à d’autres personnes confrontées à un univers clos, comme celui des maisons de retraite, ou celui des enfants atteints d’un cancer.
Les différents sites d’Hélène Mauri:
www.helene-mauri.com
www.siuneimage.com
www.pointsdefuite.net